Le mouvement moderne des soins palliatifs trouve son origine dans les années cinquante/soixante. Face aux progrès immenses de la médecine, la mort reste vécue comme un échec, elle est « incongrue ». Le cancer est stigmatisé comme signe de la fatalité contre laquelle la médecine est le plus souvent impuissante. Parallèlement, les gens meurent le plus souvent à l'hôpital. Dès lors, que faire avec les malades incurables et souffrants ? Dans les années septante, Thérèse Vannier, médecin, aura une phrase qui sera souvent reprise pour qualifier les soins palliatifs, « c'est tout ce qui reste à faire quand il n'y a plus rien à faire ».
Des soins pour donner un sens à la fin de vie
On trouve déjà des précurseurs du mouvement des hospices (du latin hospes, signifiant d'abord hôte, puis ensuite étranger, lieu accueillant des pèlerins) au XIXème siècle. Jeanne Garnier en France désigne du nom d'hospice une institution de soins pour mourants. Elle en crée plusieurs au nom de sa communauté, les Dames du Calvaire. Ce mouvement s'étend en Irlande, plus tard en Angleterre. A Londres, l'hospice St-Joseph est construit au début du XXème siècle.
Cinquante ans plus tard, une figure marquante des soins palliatifs y travaille. Dame Cicely Saunders (1918-2005) applique l'idée d'un contrôle optimal de la douleur par administration de morphine orale en prise régulière et préventive. La douleur n'est pas seulement un phénomène physique, elle est d'emblée constituée d'éléments psychiques, sociaux et spirituels. Cicely Saunders développe un concept encore central dans les soins palliatifs d'aujourd'hui, celui de douleur totale ou « total pain ». En 1967, elle ouvre le St-Christopher Hospice à Londres ; de cette initiative privée naît le mouvement des hospices modernes.
Dès son ouverture, le St-Christopher mise sur le contact avec la vie (lieu, place des familles, jardin d'enfants, structures indépendantes pour personnes âgées) et sur la nécessité du travail interdisciplinaire. Ce mouvement se propage rapidement dans toute la Grande-Bretagne, puis au-delà. Actuellement, de nombreux pays pratiquent officiellement ce type de soins : apaiser la souffrance et contrôler les symptômes majeurs, apporter le meilleur confort possible et entourer la famille. Ces soins d'accompagnement visent à répondre aux besoins spécifiques des personnes parvenues au terme de leur existence en maintenant une qualité de vie au-delà de la période curative.
Au Canada, en 1974, le Pr. Balfour Mount crée le premier service de soins palliatifs à Montréal. On peut d'ailleurs lui attribuer la paternité du terme service de « soins palliatifs » en lieu et place d'hospice. Le service de Montréal a ceci d'original qu'il couple lits hospitaliers avec équipes de soins à domicile et consultations ambulatoires. Le premier réseau de soins palliatifs à domicile reste néanmoins anglais. Sous l'égide du CRMF (Cancer Relief Macmillan Fund, ligue nationale contre le cancer), les services de soins palliatifs à domicile se sont étendus dans toute l'Angleterre sous le nom de Macmillan services.
Aux figures fondatrices comme Jeanne Garnier ou Cicely Saunders, il faut ajouter Elisabeth Kübler-Ross (1926-2004). Suissesse d'origine, médecin, psychiatre, marquée par une expérience après la seconde guerre mondiale (symbolique des papillons dessinés sur les murs des baraquements des enfants morts dans les camps de concentration), Elisabeth Kübler-Ross est sensible à la problématique des mourants et de la mort. En 1969, son premier livre, « les derniers instants de la vie », connaît un retentissement mondial. Elle y démontre que les mourants passent par différentes phases d'un processus (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation), avec lesquelles les soignants doivent composer jusqu'au bout. Son ouvrage a été l'une des principales grilles de lecture du phénomène de la fin de la vie.
Les soins palliatifs, une pratique reconnue faisant école
Les soins palliatifs font désormais partie des préoccupations des gouvernements. En 1990, l'OMS adopte une définition des soins palliatifs, « soins actifs, complets, donnés aux malades dont l'affection ne répond plus aux traitements curatifs. La lutte contre la douleur et les autres symptômes ainsi que la prise en considération des problèmes psychologiques, sociaux et spirituels sont primordiales. De tels soins ne hâtent ni ne retardent le décès. Leur but est de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu'à la mort ». L'OMS estime que le succès des soins palliatifs dépend d'une haute couverture sur un territoire donné. Ils doivent faire partie intégrante du système sanitaire global, être rémunérés et donc rendus accessibles à toutes les personnes en fin de vie, atteintes du cancer ou d'autres pathologies.
A leurs débuts, les soins palliatifs sont apparus en rupture avec la pensée médicale dominante. Après une période de cohabitation plus ou moins heureuse avec les systèmes en place, un intérêt accru s'est manifesté pour cette pratique, devenue aujourd'hui légitime. En 1988 est créée la Société Suisse de Médecine et de Soins Palliatifs (SSMSP, rebaptisée palliative ch), ainsi que l'Association Européenne des Soins Palliatifs (EAPC).
Nombreux sont les spécialistes qui estiment qu'il faut « encourager l'introduction des soins palliatifs dans la pratique médicale quotidienne, dans toutes les disciplines, alors même que des options thérapeutiques et curatives restent encore envisageables ». Ce point de vue est prôné par l'Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) et l'Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI).
En 2006, l'American Board of Medical Specialties (ABMS), l'équivalent de la FMH en Suisse, a décidé que les soins palliatifs devenaient une sous-spécialité médicale au même titre que l'oncologie ou la cardiologie. En Suisse c'est en 2016 que le titre de sous-spécialiste en médecine palliative a été validé.
Néanmoins, malgré de nombreuses initiatives partout dans le monde, l'OMS estime, en 2020, que seuls 14% des personnes ayant besoin de soins palliatifs en bénéficient. Il reste encore un grand travail à effectuer pour inclure les soins palliatifs dans les systèmes sanitaires, améliorer la formation des professionnels et garantir l'accès aux médicaments qui permettent de soulager la douleur.